Cameroon Stop Repression

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Depuis le 22 Septembre 2020,

Des centaines d'hommes et de femmes sont incarcérés, réprimés et torturés au Cameroun pour leur choix politique

Eclairage juridique

Je vais parler un peu du collectif d’avocats rĂ©unis autour des leaders d’opinion ou de tous ceux qui participent Ă  la lutte pour les libertĂ©s dans notre pays.

L’histoire du collectif d’avocats est une histoire d’un regroupement d’avocats libres et indĂ©pendants qui se sont retrouvĂ©s pour se poser des questions de l’existence du Droit et de la pratique de la Justice. 

Ce collectif qui regroupe environ 60 personnes, 60 avocats – je prĂ©cise libres et indĂ©pendants – bien qu’il y ait des militants dans la composition de ce collectif, est un collectif qui s’est posĂ© des questions sur l’existence du Droit, l’effectivitĂ© du Droit au Cameroun.

Alors, ce collectif, aujourd’hui baptisĂ© Sylvain SOUOP, le nom de baptĂȘme qu’on a pris Ă  la suite du dĂ©cĂšs du premier coordonnateur, Me Sylvain SOUOP, Membre du Conseil de l’Ordre des Avocats du Cameroun, dĂ©cĂ©dĂ© en Janvier 2021.

Nous avons pris conscience du fait que le Collectif, qui Ă©tait un regroupement informel, devait prendre dĂ©jĂ  une certaine forme. Nous avons baptisĂ© ce collectif en prenant son nom, pour perpĂ©tuer ses Ɠuvres, et pour perpĂ©tuer l’idĂ©e que nous partagions en commun.

Le Collectif, au moment du décÚs de Me Sylvain SOUOP, avait déjà réalisé ce petit bilan que je vais vous présenter.

Nous sommes rendus, au dĂ©cĂšs de Me SOUOP, Ă  1079 procĂ©dures, que nous avons faites pour l’encadrement des manifestants pacifiques rĂ©unis sous l’égide du MRC et AlliĂ©s, qui exerçaient un droit Constitutionnel en 2019 et qui avaient subi des arrestations arbitraires, suivi des dĂ©tentions arbitraires et des procĂšs rocambolesques.

Donc, nous étions rendus au décÚs de Me SOUOP à 1079 procédures. Nous avions perdu 737. On avait gagné 77 et il restait 265 procédures en cours parmi lesquels on pouvait compter les 204 communications qui avaient été faites au niveau de GenÚve.

De ces 1079 procĂ©dures, nous avions engagĂ© ensemble 437 procĂ©dures d’Habeas Corpus. 7 Ă©taient en cours, en pourvoir devant la Cour SuprĂȘme du Cameroun.

Ces procĂ©dures restent toujours en cours jusqu’à ce jour. Et Ă  ces procĂ©dures pendantes devant la Cour SuprĂȘme du Cameroun, nous avions entretemps engagĂ© 2 autres.

Voilà le bilan, je peux dire le Testament qui a été laissé par Me SOUOP.

Aujourd’hui, avec des nouvelles vagues d’arrestations intervenues Ă  l’occasion des marches du 22 septembre, programmĂ©es pour le 22 septembre 2021, oĂč nous avons assistĂ© Ă  des arrestations de 793 personnes, le collectif aujourd’hui a dans son dĂ©compte, 126 personnes encore arbitrairement dĂ©tenues.

Sur les 126, il y en a 125 qui passent devant les juridictions militaires, et il y a encore une procédure pendante qui concerne 1 des détenus arbitraires, qui est traduit devant le Tribunal de PremiÚre Instance de Yaoundé-EKOUNOU, et sa procédure est encore en cours.

Nous sommes rendus aujourd’hui Ă  224 procĂ©dures d’Habeas Corpus, que nous avons toutes perdues. Ces 224 procĂ©dures ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es non fondĂ©es pour certaines, et pour d’autres, certains juges se sont dĂ©clarĂ©s incompĂ©tents. La 3Ăšme vague, ce sont des juges qui ont pensĂ© que l’Habeas Corpus que nous avons introduit pendant que les personnes Ă©taient encore sous dĂ©tention arbitraire n’était pas nĂ©cessaire parce que ces procĂ©dures ont Ă©tĂ© jugĂ©es irrecevables.

Voilà donc le collectif présenté briÚvement avec ses activités, depuis les nouvelles marches du 22 septembre qui sont en cours.

Je prĂ©cise que le collectif continue Ă  contester la compĂ©tence personnelle du Tribunal Militaire, devant lequel 125 personnes doivent rĂ©pondre. Le Collectif s’appuie sur la Constitution de la RĂ©publique, et s’appuie sur la Jurisprudence des juridictions internationales et des juridictions rĂ©gionales.

Et nous ne comprenons pas pourquoi depuis que nous avons soulevĂ© ces exceptions devant les magistrats, devant les juges d’instructions, que ces tribunaux continuent Ă  poser des actes d’instruction sans toutefois se prononcer sur leur compĂ©tence et cela pose le problĂšme que nous rencontrons au quotidien dans notre pratique professionnelle : celui d’une justice qui rĂ©prouve l’application de ses propres textes.

On ne comprend pas comment une justice qui se veut indĂ©pendante, et qui est rendue sur la base des textes en vigueur et au nom d’un peuple, qui a acceptĂ© des instruments juridiques, on ne comprend pas que des juges trouvent des moyens pour s’en Ă©carter. Cela pose ce problĂšme et c’est une difficultĂ© majeure Ă  laquelle la dĂ©fense se heurte.

On se retrouve dans une situation oĂč nous pouvons valablement soutenir que nos clients subissent une torture dĂ©sormais judiciaire. C’est-Ă -dire aprĂšs avoir subi la torture des Ă©lĂ©ments de police, d’une police administrative barbare, subi des tortures dans des centres de dĂ©tention, aprĂšs cela, la torture s’est transportĂ©e dans des pĂ©nitenciers oĂč nos clients subissent Ă©galement des actes et plusieurs types d’actes de tortures, et voilĂ  que justice ne peut pas leur ĂȘtre rendue, Ă  travers les rejets d’Habeas Corpus, Ă  travers les refus de les conduire devant les juges d’Habeas Corpus, Ă  travers des bastonnades – il faut le dire – que subissent des avocats, nous pouvons dire que la justice s’est Ă©cartĂ©e des principes qui doivent guider la justice dans un Etat de Droit. Il se passe sous les cieux Camerounais ce que j’appellerais la torture judiciaire.

Pour quelles raisons avez-vous accepté ces dossiers ?

Pourquoi nous avons acceptĂ© ces dossiers ? Je vous ai dit que les 60 avocats qui composent le Collectif Sylvain SOUOP c’est un regroupement d’avocats libres et indĂ©pendants. Beaucoup de gens doivent se demander pourquoi dans cet univers de non-droit, est-ce que le mĂ©tier d’avocat peut exister.

A premiĂšre vue, ce n’est pas facile d’accepter ce genre de dossier dans ce genre d’univers oĂč on connait dĂ©jĂ  l’issue des procĂšs. OĂč la balance est tellement dĂ©sĂ©quilibrĂ©e qu’on connait dĂ©jĂ  quelle est l’opinion du juge lorsqu’on se rend devant lui.

Ce n’est pas facile que l’on trouve au sein d’un barreau des gens qui acceptent de se faire humilier Ă  la police. Des avocats qui acceptent, pour la dĂ©fense de leurs clients, d’aller se faire humilier Ă  la Gendarmerie. Nous avons subi tout cela. Nous subissons au quotidien ces humiliations, mĂȘme de la part de certains Magistrats, surtout des Magistrats qui sont en charge de ce genre de dossiers dit-on signalĂ©s. Parce qu’il suffit – et nous l’avons constatĂ© – qu’un dossier porte la mention au crayon MRC pour que le juge se rende compte, ou le Magistrat qui va traiter le dossier, sache que cette mention manuscrite au crayon voudrait dire qu’il ne doit pas appliquer la rĂšgle de Droit.

Nous le dĂ©nonçons et nous le faisons chaque jour. Pourquoi nous le faisons ? Je dois dire que notre serment d’avocat comprend une dimension humanitaire. C’est-Ă -dire que nous exerçons notre fonction avec humanisme. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč des gens doivent s’exprimer, et que des gens doivent faire de la prison tout simplement parce qu’ils ont exercĂ© leur libertĂ© d’expression, exprimĂ© leur opinion, c’est-Ă -dire exprimĂ© une opinion contraire Ă  celle de l’establishment, et que ceux-lĂ  doivent subir la prison, c’est que c’est un problĂšme.

S’il n’y a pas des avocats pour ĂȘtre Ă  cĂŽtĂ© d’eux, toute la sociĂ©tĂ© acteur, et comme la parole est le principal instrument de l’avocat, ça veut dire que lorsque le citoyen sera sĂ©vĂšrement puni ou bien sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ© ou atteint dans son droit fondamental, la profession d’avocat doit cesser d’exister. Et si la profession d’avocat cesse d’exister, la justice doit cesser d’exister. Les deux vont de pair. 

Il n’y a pas une justice conçue sans dĂ©fense. Et c’est pour ça que de l’avis du Collectif, nous sommes en train de construire, d’expĂ©rimenter l’exercice du Droit au Silence. Parce que voyez-vous, Ă  quoi ça sert d’aller devant une justice oĂč on sait que les dĂ©s sont pipĂ©s ? Si les dĂ©s sont pipĂ©s Ă  partir de l’Officier de Police Judiciaire, qui se trouve ĂȘtre le prolongement de l’instrument de l’oppression de l’Etat, et que le Juge lui-mĂȘme devient le principal instrument qui prolonge l’oppression de l’Etat, alors d’emblĂ©e on constate que la DĂ©fense ne doit pas exister, et il appartient aux citoyens d’exercer, lorsqu’il fait face Ă  ce genre de pratiques, d’exercer un Droit concurrent qu’on appelle le Droit au Silence.

Nous avons constatĂ© Ă  l’occasion des procĂ©dures que systĂ©matiquement la police Camerounaise, suivie par les Magistrats en charge des dossiers, pratiquent l’auto-incrimination. Vous ĂȘtes arrĂȘtĂ© sans fait. M. BIBOU NISSACK par exemple. Il est arrĂȘtĂ© chez lui. Il n’y a pas de fait. Sous des prĂ©textes, il est conduit en prison. Et aujourd’hui nous entendons des gens proclamer la prĂ©somption d’innocence. Quelqu’un qui est chez lui et qui s’apprĂȘte Ă  sortir est-il coupable ou innocent ? La Police Camerounaise dit qu’il est coupable, la justice dit qu’il est coupable, et par rapport aux faits, il n’y a aucun fait contre lui. En vertu de quoi on le dĂ©clare coupable ? 

C’est pour ça qu’au niveau du Collectif, il y a toute une opinion qui prĂ©conise que non seulement nos clients doivent – nos clients d’opinion, c’est-Ă -dire nos clients qui entendent exercer leur droit constitutionnel, l’exercice de la libertĂ© d’opinion, l’exercice de la libertĂ© de manifester et autres – lorsqu’ils sont arrĂȘtĂ©s arbitrairement dans ces conditions et dĂ©tenus arbitrairement dans ces conditions, nous leur recommandons l’exercice du Droit de silence.

Et il en est de mĂȘme pour tout le monde. Lorsque vous allez faire face Ă  cette justice truquĂ©e, votre seule dĂ©fense doit ĂȘtre l’exercice de votre Droit de silence, qui est un Droit constitutionnel.

Donc nous avons acceptĂ© ces dossiers – voudrais-je conclure – pour perpĂ©tuer la dimension humanitaire de notre serment, et pour participer Ă©galement au combat, c’est-Ă -dire Ă  la lutte pour la libertĂ© d’expression dans notre pays et pour la dĂ©mocratie.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez pour assurer la défense de ces personnes ?

La principale difficultĂ© pour soigner cette sociĂ©tĂ© malade c’est que le langage de communication entre les avocats, le citoyen et les organes de rĂ©pression c’est la loi, le Code de ProcĂ©dures PĂ©nales. Au niveau de la dĂ©fense, nous avons l’impression que les autoritĂ©s judiciaires ne veulent pas appliquer le Code de ProcĂ©dures PĂ©nales. Et ça pose un problĂšme.

Si les Officiers de Police Judiciaire et les Magistrats ne veulent plus obĂ©ir Ă  cet instrument de communication commun entre le citoyen, sa dĂ©fense et la Justice, ça veut dire que les prisonniers ou ceux qui sont dĂ©tenus arbitrairement du fait de leurs opinions ou du fait de l’exercice de leurs droits constitutionnels, sont des victimes d’autres lois qui ne sont pas rendues publiques. Ce sont lesquelles ? VoilĂ  la premiĂšre difficultĂ©. La premiĂšre difficultĂ© Ă  la dĂ©fense c’est d’abord de dĂ©terminer la loi qui est en train de s’appliquer Ă  son client.

Parce que de l’autre cĂŽtĂ©, nous pensons qu’on est en train d’appliquer le code de procĂ©dures pĂ©nales, alors que les autoritĂ©s rĂ©pressives appliquent autre chose que le code de procĂ©dures pĂ©nales.

La deuxiĂšme difficultĂ© c’est l’exercice des violences. Violences qui s’assimilent Ă  des tortures sur nos clients, et violences sur les avocats.

Jusqu’à une rĂ©cente date au Service Central de Recherches Judiciaires du Cameroun, l’avocat devait se dĂ©chausser, l’avocat devait se faire fouiller, pour avoir accĂšs Ă  son client. Et fouiller veut dire que l’avocat se soumettait Ă  ce que des gendarmes le palpent jusqu’aux parties intimes, dĂ©chaussĂ© devant une cohorte d’autres gendarmes, et qu’en fin de compte, on conduise son client devant lui avec des gens armĂ©s tout autour. L’entretien confidentiel qui est obligatoire et acceptĂ© par tous les peuples entre l’avocat et son client n’était pas, et n’est pas jusqu’à prĂ©sent une pratique acceptĂ©e par les Officiers de Police Judiciaire au Cameroun.

La Consultation des dossiers : il faut toute une bataille pour que les officiers de police judiciaire acceptent que prĂ©alablement Ă  l’audition, que l’avocat consulte le dossier contre lequel sont client doit rĂ©pondre.

Si vous ĂȘtes entendu sans consultation de dossier, c’est-Ă -dire sans savoir sur quel fait vous devez rĂ©pondre, sans savoir quelles sont les preuves qui sont rĂ©unies contre vous, Ă  ce moment-lĂ , qu’est-ce qui entre en jeu ? Et la question rituelle c’est que : qu’est-ce que vous savez de l’affaire qui vous amĂšne ici Ă  la Gendarmerie ou Ă  la Police ? Et c’est ce que nous rĂ©prouvons, cette pratique de l’auto-incrimination. 

Ça veut dire que de votre rĂ©cit, l’Officier de Police Judiciaire doit retirer les Ă©lĂ©ments Ă  charge contre vous, parce qu’il n’en a pas. Et comme il n’en a pas, pourquoi vous ĂȘtes aux arrĂȘts ? Et c’est ça que nous dĂ©crions. C’est ça qui constitue des difficultĂ©s d’exercice. Donc vous ĂȘtes lĂ , vous ĂȘtes appelĂ© Ă  la Gendarmerie pour assister votre client, et dans la tĂȘte des Officiers de Police Judiciaire, la Police ou la Gendarmerie, assister veut dire regarder, c’est-Ă -dire les laisser faire ! Lorsque vous faites des observations, ils deviennent tous courroucĂ©s. C’est ce que j’ai dit, que c’est ça le langage de communication, qui est le code de procĂ©dures pĂ©nales, ce n’est pas ce que le Code de ProcĂ©dures PĂ©nales a recommandĂ©.

Maintenant, lorsqu’il se trouve qu’il y ait une discussion thĂ©orique qui s’installe entre l’avocat et les officiers de Police Judiciaire, il va sans dire qu’il y aura des dĂ©sĂ©quilibres ! Et chaque fois qu’il y a dĂ©sĂ©quilibre, l’officier de police judiciaire se souvient qu’il est armĂ©, qu’il appartient Ă  la force publique, d’oĂč des assauts rĂ©pĂ©tĂ©s, des assauts agressifs contre les avocats. 

Et lorsqu’on moleste un avocat devant son client, c’est pour dire Ă  ce citoyen dĂ©jĂ  meurtri par l’incarcĂ©ration que “mĂȘme ton avocat ne vaut rien”, et que la justice c’est la violence. 

Donc contre cette pratique, nous souhaitons, et le collectif en est bien conscient et fait des merveilles sur la question, nous souhaitons que ce soit une action corporative en faveur du citoyen. Parce que si le citoyen ne doit pas ĂȘtre suffisamment renseignĂ© sur ses droits parce que sa dĂ©fense est muselĂ©e, sa dĂ©fense est en pĂ©ril, la justice serait en pĂ©ril.

Si la dĂ©fense n’existe pas, il n’y a pas de Justice ! Et s’il n’y a pas de Justice, il n’y a pas de DĂ©mocratie, et il n’y a pas d’Etat de Droit !

Voilà ce que je peux dire en ce qui concerne les difficultés de la Défense.

Depuis 2018 aprĂšs les Ă©lections prĂ©sidentielles au Cameroun, nous avons eu un nombre important et grave de violations des droits civils et politiques. C’est-Ă -dire que nous avons trouvĂ© une tonne d’arrestations arbitraires de nombreuses personnes en particulier des militants du Mouvement de la Renaissance du Cameroun. J’ai donc Ă©tĂ© particuliĂšrement briefĂ© en la matiĂšre car mon intĂ©rĂȘt Ă  rejoindre l’équipage « Le collectif d’avocats Sylvain Souop » Ă©tait parce que nous plaidons pour la dĂ©fense et la protection des faibles, pour la protection des droits civils et politiques. Nous avons un intĂ©rĂȘt particulier pour le respect de l’Etat de droit.

 

Donc Ă  ce jour, nous avons prĂšs de 250 personnes qui sont toujours dĂ©tenues. Ici particuliĂšrement Ă  YaoundĂ©, nous avons prĂšs de 130 qui sont toujours en dĂ©tention arbitraire parce qu’ils ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s soit avant, soit aprĂšs le 21 septembre 2020. Quel est le motif ? Parce qu’ils voulaient juste exprimer leur opinion. Ainsi, nous avons des cas graves de violation de leur droit. La plupart d’entre eux ont Ă©tĂ© torturĂ©s aprĂšs leur arrestation, la plupart des arrĂȘtĂ©s Ă©taient sans mandat d’arrĂȘt, la plupart Ă©taient mĂȘme arrĂȘtĂ©s avant de commettre le fait pour lequel ils sont en dĂ©tention.

 

Prenons le cas de M. Fogue Alain Tedom qui a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© avant la journĂ©e de la manifestation pacifique. Et Bibou Nissack ? Lui qui a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© Ă  son domicile. Ils sont venus et l’ont invitĂ© Ă  venir, allons voir le DĂ©lĂ©guĂ© Ă  la SĂ»retĂ© Nationale, Monsieur Mbarga Nguele, puis il a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©.

 

Nous assistons donc Ă  une grave privation des droits civils fondamentaux, nous assistons et augmentons l’avancĂ©e de la rĂ©pression dictatoriale et de la rĂ©pression. Vous voyez, dans ces cas, tous ceux qui sont arrĂȘtĂ©s ont Ă©tĂ© emmenĂ©s Ă  la Gendarmerie, au SecrĂ©tariat Ă  la dĂ©fense. La plupart d’entre eux ont Ă©tĂ© torturĂ©s. Moi qui suis avocat Tatang lorsque je suis allĂ© une fois lĂ -bas le 10/12/2020 rendre visite Ă  mes clients que sont le Pr Fogue et Bibou Nisack, je me suis retrouvĂ© agressĂ© par des officiers de police judiciaire lĂ -bas. Le gendarme a saisi essentiellement mes documents avec lesquels je venais briefer mes clients.

 

Nous assistons donc Ă  une rĂ©pression continue de la part du rĂ©gime en place. Cela fait en sorte que mĂȘme l’avocat que je suis, nous avons peur d’exercer notre profession.

 

Nous rencontrons des difficultĂ©s dans notre vie commune car par exemple, quand je vais au tribunal aujourd’hui, mon client a peur de me briefer sur les affaires. Les clients ordinaires que j’ai lorsque je porte l’affaire devant un juge ordinaire qui a peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  jugĂ© les affaires du MRC ou les affaires de violation des droits civils et politiques, nous lui trouverions une raison de juger l’affaire contre moi, comme s’il Ă©tait mon adversaire, non, ce n’est pas le cas. Donc, ce que j’ai juste Ă  dire, c’est qu’aujourd’hui, ceux qui ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s illĂ©galement sont toujours en dĂ©tention et tous ceux qui sont en dĂ©tention ; vous remarquerez que la dĂ©tention n’est basĂ©e sur rien.

 

Nous avons mĂȘme saisi le juge d’habeas corpus pour les libĂ©rer. Ils n’ont jamais Ă©tĂ© traduits en justice au premier tour. Au deuxiĂšme tour, quand ils se sont prĂ©sentĂ©s devant la justice, seulement quelques-uns d’entre eux, ils sont venus et ont ensuite vu justifiĂ©e leur arrestation, justifiant la lĂ©galitĂ© de leur dĂ©tention parce que la personne est sous la juridiction du tribunal militaire. Vous voyez, tout cela, ce sont des personnes civiles jugĂ©es par un tribunal militaire, en fait, nous sommes dans une situation oĂč nous pensons que la loi n’est toujours pas respectĂ©e.

 

Nous sommes dans une situation oĂč nous vivons au grĂ© des vents et des caprices de ceux qui manipulent soit les bureaux de sĂ©curitĂ©, soit la justice. C’est ce que j’ai Ă  dire Ă  propos de ceux qui sont aujourd’hui en rĂ©tention. Je vous remercie.



J’aimerais que nous parlions un peu de cette situation que vivent les prisonniers politiques au Cameroun. J’aimerais principalement m’appesantir sur l’environnement de la justice au Cameroun qui fonde ces victimes. En rĂ©alitĂ©, au Cameroun nous avons une longue tradition de justice aux ordres. Cette justice aux ordres s’illustre parfaitement en ce qui concerne les prisonniers politiques du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun et illustre l’instrumentalisation dont peut faire l’objet la machine judiciaire. En clair, il s’agit de l’instrumentalisation de la machine judiciaire Ă  des fins purement politiques.

 

L’illustration la plus Ă©clatante, c’est l’usage qui est fait de la justice militaire pour littĂ©ralement prendre en otage, capturer les adversaires politiques. Cette justice militaire qui, comme tout le monde le sait, est une justice spĂ©ciale de type du reste disciplinaire, destinĂ©e Ă  rĂ©primer les forces de dĂ©fense qui se sont illustrĂ©es par des Ă©carts, est trĂšs rĂ©guliĂšrement, je dirais mĂȘme systĂ©matiquement utilisĂ©e pour rĂ©primer l’expression politique, la libertĂ© d’expression des citoyens. C’est ainsi que nos camarades politiques, au rang desquels des cadres importants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun : Je vais citer le porte-parole du prĂ©sident Maurice Kamto, Monsieur Bibou Nissack, je vais citer le trĂ©sorier national de notre parti, le professeur Alain FoquĂ© et bien d’autres. Aujourd’hui ils sont dĂ©tenus sur la base d’une poursuite initiĂ©e par ce tribunal militaire, alors que pour ceux mĂȘmes qui sont poursuivis notamment pour insurrection, hostilitĂ© contre la patrie et bien d’autres, il s’agissait simplement d’une manifestation publique. Manifestation publique que la justice aux ordres choisit de qualifier d’atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l’Etat.

 

Mais cette justice aux ordres n’a pas commencĂ© aujourd’hui. On se souvient que dans les annĂ©es 90, le bĂątonnier Yondo Black lui aussi, avait Ă©tĂ© poursuivi par ce mĂȘme tribunal militaire alors qu’il avait, dit-on, simplement tentĂ© de crĂ©er un parti politique.

 

Si on revenait Ă  la justice ordinaire. Il faut noter qu’il y a une dĂ©mission quasi systĂ©matique de celui qui est rĂ©putĂ© ĂȘtre le garant des libertĂ©s. Ce juge judiciaire qui est rĂ©putĂ© ĂȘtre garant des libertĂ©s. Ce juge judiciaire qui est rĂ©putĂ© protĂ©ger la libertĂ© des uns et des autres, les libertĂ©s fondamentales, Ă  qui le Code de procĂ©dure pĂ©nale a donnĂ© le pouvoir, y compris de remettre en libertĂ© immĂ©diatement les personnes qui feraient l’objet de dĂ©tentions arbitraires illĂ©gales.

 

Ce juge ordinaire, ce juge judiciaire, mĂȘme saisi en cas d’habeas corpus, lorsqu’il manque de maniĂšre flagrante de titres, refuse de dire le droit, refuse de rentrer dans l’histoire, refuse d’aider les concitoyens qui pourtant sont ceux au nom de qui il est supposĂ© rendre la justice. VoilĂ  quelques Ă©lĂ©ments qui ne sont certainement pas exhaustifs, mais qui nous permettent aujourd’hui d’attirer l’attention de l’opinion de la communautĂ© nationale et internationale sur le fait que cette justice-lĂ  est une justice aux ordres et elle est destinĂ©e Ă  rĂ©primer et Ă  Ă©touffer la libre expression dĂ©mocratique.

 

Je vous remercie.